Probabilités
Dans ce chapitre de probabilité, nous allons introduire des outils mathématiques supplémentaires pour étudier le hasard : les lois à densité. Pourquoi me direz-vous ? Parce que les situations aléatoires rencontrées suivent généralement des lois très différentes et qu'il est important de pouvoir les étudier dans leur diversité. Par exemple, les chances de gagner au loto ne suivent pas exactement les même règle que les chances de se faire attaquer par un animal sauvage ou de trouver un restaurant ouvert après 22h... Pour l'instant nous n'avons étudié que des situations aléatoires dans lesquelles le nombre d'issues possibles est fini. Tout le monde se souvient d'exercices concernant des jets de dés, des jeux de cartes ou de roulettes. On dit que ces expériences suivent des lois discrètesUne loi discrète n'a aucun rapport avec la discrétion. On dit qu'une quantité est discrète si elle est énumérable par une suite d'entiers. Par exemple, les jours du calendrier sont énumérables même s'il sont infinis. Au contraire, le temps qui peut être représenté par la droite des nombres réels ne l'est pas. On parle alors de quantité continue.. On a d'ailleurs déjà pu constater que dans les expériences de tirage aléatoire (souvent de balles colorées), les lois ne sont pas les mêmes selon qu'il y ait remise ou non. Mais alors quelle sorte d'expérience aléatoire a une nombre d'issues possibles non-discret ? En fait, de nombreux cas très concrets et presques aussi banals qu'un jet de dé. Le tir d'une fléchette par exemple : la surface de la cible sur laquelle la fléchette se plante (ou pas) possède un nombre de points infini. Ce n'est d'ailleurs pas un si bon exemple car on ne tire pas vraiment au hasard sur une cible ... Dans le cas d'expériences aléatoires suivant une loi discrète, nous représentions les probabilités avec des histogrammes (un bâton pour chaque issue). Dans le cas continu, ça n'est plus possible. Nous utiliserons plutôt des courbes (un point de l'abscisse représente une issue) et utiliserons les outils d'intégration d'un chapitre précédent. Le temps et l'espace sont représentés par des nombres réels et sont donc des quantités continues. Nous étudierons donc des évènements liés au temps comme la probabilité d'avoir plus de 10 minutes à attendre à un rendez-vous ou comme la probabilité qu'une météorite s'écrase sur Marseille le mois prochain (si nous avons suffisamment de données pertinentes).
On appelle fonction de densité (ou densité) sur un intervalle $I=[a;b]$ toute fonction $f$ continue et positive sur $I$ telle que l'intégrale de $f$ sur $I$ soit égale à $1$. On dit qu'une variable aléatoire $X$ à valeurs dans $I$ suit la loi de densité $f$ si la probabilité que $X$ appartienne à $[c;d] \subset I$ vaut : $$ P (a\leq X \leq b) = \int_c^d f (x) dx $$ Sur la figure ci-dessus, l'aire sous la courbe est plus importante à gauche qu'à droite : on comprend que la probabilité de choisir une valeur proche de $a$ est plus élevée que de choisir une valeur proche de $b$. L'espérance mathématique d'une variable aléatoire $X$ à valeurs sur $[a;b]$ vaut : $$ E (X) = \int_a^b x f (x) dx $$ L'espérance correspond à la valeur moyenne. Pour les lois discrètes où $X$ prend un nombre fini de valeurs $ (x_1, x_2, ..., x_k) $ de probablités respectives $ (p_1, p_2, ..., p_k) $, l'espérance est définie par la formule analogue : $$ E (X) = \sum_{i=1}^k x_i p_i $$

Prenons comme exemple l'expérience aléatoire consistant à choisir un nombre au hasard entre $1$ et $10$ de manière équiprobable Dans une situation d'équiprobabilité, chaque issue élémentaire à une probabilité égale d'être tirée.

Cas discret :

On tire au hasard un nombre entier parmi 10. Il s'agit donc d'une épreuve de Bernouilli de paramètre $\frac{1}{10}$. Si l'expérience est répétée un grand nombre de fois, les proportions des nombres tirés seront sensiblement les mêmes ($\simeq \frac{1}{10}$) comme on peut le voir sur l'histogramme.

Cas continu :

La situation est différente du discret. Si je pense à un nombre réel entre 0 et 10 la probabilité que vous le deviniez est nulle (un parmi une infinité de possibilités). Par contre la probabilité pour que ce nombre soit plus petit que 5 est de $\frac{1}{2}$. La courbe constante représente la loi continue uniforme.
Une application classique de situation aléatoire uniforme est celle de l'attente. Si on considère une hotline qui répond à ses interlocuteurs en moins de $5$ minutes de manière aléatoire suivant une loi uniforme, celà signifie que la probabilité d'attendre plus de 5 minutes est considérée comme nulle et que la probabilité d'attendre moins de 1 minute est de $\frac{1}{5}$.

Une variable aléatoire $X$ suit une loi uniforme sur l'intervalle $[a;b]$ si sa fonction de densité est la fonction constante de valeur $\frac{1}{b-a}$ sur $[a;b]$

La fonction constante définie par $f (x) = \frac{1}{b-a}$ sur $[a;b]$ est bien une loi de probabilité car : $$ \begin{array}{ccl} \int_a^b f (x) dx &=& \int_a^b \frac{1}{b-a} dx \\ &=& \frac{1}{b-a} \int_a^b 1 dx \\ &=& \frac{1}{b-a} [x]_a^b \\ &=& \frac{1}{b-a} (b-a) \\ &=& 1 \\ \end{array} $$ Le calcul d'une probabilité se fait à l'aide de la loi de densité :

Soient $c$ et $d$ dans $[a,b]$ (où $c\lt d$), alors : $$ P( c \leq X \leq d) = \frac{d-c}{b-a} $$

On applique la formule de calcul d'une probabilité : $$ \begin{array}{ccl} P( c \leq X \leq d) dx &=& \int_c^d f(x) dx \\ &=& \int_c^d \frac{1}{b-a} dx \\ &=& \frac{1}{b-a} \int_c^d 1 dx \\ &=& \frac{1}{b-a} [x]_c^d \\ &=& \frac{1}{b-a} (d-c) \\ &=& \frac{d-c}{b-a} \\ \end{array} $$ En appliquant la formule précédente, on remarque que pour tout $c\in[a,b]$, $P(X=c) = \frac{c-c}{b-a}=0 $.

Ce résultat peut sembler surprenant puisqu'il signifie l'impossibilité pour $X$ de valoir n'importe quelle valeur. Il faut comprendre que tirer une valeur au hasard parmi une infinité est nulle.

Soit $X$ une variable aléatoire suivant une loi uniforme sur $[a;b]$. Alors son espérance est $E (X) = \frac{a+b}{2}$ $$ \begin{array}{ccl} E (X) &=& \int_a^b x \frac{1}{b-a} dx \\ &=& \frac{1}{b-a} \int_a^b x dx \\ &=& \frac{1}{b-a} \times [\frac{x^2}{2}]_a^b \\ &=& \frac{1}{b-a} \times \frac{b^2-a^2}{2} \\ &=& \frac{1}{b-a} \times \frac{(b-a) (a+b)}{2} \\ &=& \frac{a+b}{2} \end{array} $$
Toutes les expériences aléatoires ne sont uniformes. Par exemple, les phénomènes de raréfaction sont souvent décrit par une courbe décroissante qui représente en fait une loi exponentielle. Les phénomènes suivants semblent suivre une loi exponentielle :
Durée de vie d'une particule radioactive
Taux de mortalité par la rougeole
Population des éléphants d'Afrique
On donne aussi souvent l'exemple de la durée de vie des ampoules électrique, mais c'est vrai pour les composants électroniques en général. Plus l'âge est élevé, moins il sera simple d'en trouver un en état de marche. La loi exponentielle, en toute logique, suit une décroissance pouvant être plus moins rapide selon un paramètre $\lambda$ que l'on introduit ici.
Une variable aléatoire $X$ suit une loi exponentielle de paramètre $\lambda \gt 0$sur l'intervalle $[0;+\infty[$ si sa fonction de densité est définie par : $ f (x) = \lambda e^{-\lambda x}$ La fonction constante définie par $f (x) = \frac{1}{b-a}$ sur $[a;b]$ est bien une loi de probabilité car : Soit $N \gt 0$ : $$ \begin{array}{ccl} \int_0^N f (x) dx &=& \int_0^N \lambda e^{-\lambda x} dx \\ &=& [-e^{-\lambda x}]_0^N \\ &=& -e^{-\lambda N}] + e^0 \\ &=& -e^{-\lambda N} + 1 \end{array} $$ Or, $\lim\limits_{x\rightarrow +\infty} e^{-\lambda x} = 0$, donc : $$ \int_0^{+\infty} f (x) dx = \lim\limits_{x\rightarrow +\infty} \int_0^N f (x) dx = \lim\limits_{x\rightarrow +\infty} = 0 + 1 = 1 $$ Donc $f$ est bien une fonction de densité. Soit $X$ une variable aléatoire suivant une loi exponentielle sur $[0;+\infty[$. Alors son espérance est $E (X) = \frac{1}{\lambda}$

Etape 1 :

On commence par démontrer que la primitive de $x e^{-\lambda x}$ est $ (x+1) e^{-\lambda x}$ :

On cherche la primitive sous la forme $ (a x + b) e^{-\lambda x}$ où $a$ et $b$ sont des réels à déterminer. On dérive $ (a x + b) e^{-\lambda x}$ : $$ \begin{array}{ccl} & & a e^{-\lambda x} + (a x + b )\times (-\lambda e^{-\lambda x} ) \\ & = & a e^{-\lambda x} - \lambda (a x + b )e^{-\lambda x} \\ & = & e^{-\lambda x}(a - \lambda (a x + b ) ) \\ & = & e^{-\lambda x}(-\lambda a x + a -\lambda b ) \end{array} $$ Comme le calcul de la dérivée retombe sur $x e^{-\lambda x}$, par identification : $-\lambda a = 1$ et $a - \lambda b = 0$. Donc : $$ a = -\frac{1}{\lambda} \text{ et } b = \frac{a}{\lambda} = -\frac{1}{\lambda^2} $$ La primitive de $x e^{-\lambda x}$ est donc $ (-\frac{x}{\lambda} -\frac{1}{\lambda^2}) e^{-\lambda x}$

Etape 2 :

A l'aide de l'étape 1, on va calculer $\int_0^{+\infty} \lambda x e^{-\lambda x} dx$

Soit $N \gt 0$ : $$ \begin{array}{ccl} & & \int_0^N x f (x) dx \\ &=& \int_0^N \lambda x e^{-\lambda x} dx \\ &=& \lambda \left[(-\frac{x}{\lambda} -\frac{1}{\lambda^2}) e^{-\lambda x}\right]_0^{N} \\ &=& \lambda \left ( (-\frac{N}{\lambda} -\frac{1}{\lambda^2}) e^{-\lambda N} + (0 + \frac{1}{\lambda^2}) e^{0} \right) \\ &=& \lambda \left ((-\frac{N}{\lambda} -\frac{1}{\lambda^2}) e^{-\lambda N} + \frac{1}{\lambda^2} \right) \end{array} $$ Or $\lim\limits_{N\rightarrow +\infty} e^{-\lambda N} = 0$ et $\lim\limits_{N\rightarrow +\infty}N e^{-\lambda N} = 0$, donc : $$ \int_0^{+\infty} x f (x) dx = \lim\limits_{x\rightarrow +\infty} = \lambda \times \frac{1}{\lambda^2} = \frac{1}{\lambda} $$